Révolution énergétique : Les nouvelles règles du jeu pour le stockage d’énergie

Face à l’urgence climatique, la réglementation des infrastructures de stockage d’énergie s’impose comme un enjeu majeur. Entre innovation technologique et cadre juridique en pleine mutation, découvrez les défis et opportunités qui façonnent l’avenir du secteur énergétique.

Le cadre réglementaire européen : socle de la transition énergétique

L’Union européenne joue un rôle moteur dans l’élaboration d’un cadre réglementaire favorable au développement des infrastructures de stockage d’énergie. La directive 2019/944 relative au marché intérieur de l’électricité constitue une avancée majeure en reconnaissant explicitement le stockage comme une activité à part entière du système électrique. Cette directive impose aux États membres de lever les obstacles réglementaires et administratifs entravant le déploiement des solutions de stockage.

Le règlement 2019/943 sur le marché intérieur de l’électricité complète ce dispositif en instaurant des règles de marché favorables à la participation des capacités de stockage aux différents mécanismes de flexibilité. Ces textes posent les jalons d’un cadre harmonisé à l’échelle européenne, propice à l’émergence d’un marché dynamique du stockage d’énergie.

La transposition en droit français : entre ambition et pragmatisme

La France a entrepris la transposition de ces directives européennes à travers plusieurs textes législatifs et réglementaires. La loi Énergie-Climat de 2019 a ainsi introduit une définition juridique du stockage d’électricité dans le Code de l’énergie, marquant une étape importante dans la reconnaissance de cette activité.

L’ordonnance du 3 mars 2021 relative au stockage d’énergie et à la conversion des réseaux de gaz naturel vient préciser le cadre applicable aux infrastructures de stockage. Elle clarifie notamment les conditions d’accès au réseau électrique pour les installations de stockage et encadre leur participation aux mécanismes de marché.

Le décret du 30 mars 2022 relatif au stockage d’électricité et à l’agrégation d’installations de production ou de consommation d’électricité apporte des précisions supplémentaires sur les modalités techniques et économiques de raccordement et d’exploitation des installations de stockage.

Les enjeux spécifiques du stockage stationnaire

Le stockage stationnaire, qu’il s’agisse de batteries, de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) ou d’autres technologies, soulève des questions réglementaires particulières. La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) a publié en 2021 des lignes directrices visant à clarifier le traitement régulatoire de ces installations.

Un des points clés concerne la qualification juridique des installations de stockage. Selon leur utilisation, elles peuvent être considérées comme des moyens de production, de consommation ou des actifs de réseau. Cette classification a des implications importantes en termes de régime fiscal, de tarification de l’accès au réseau et de participation aux mécanismes de marché.

La question de la propriété et de l’exploitation des infrastructures de stockage par les gestionnaires de réseau fait également l’objet d’un encadrement strict. Le principe général est celui d’une séparation entre les activités régulées de gestion de réseau et les activités concurrentielles de stockage, avec des dérogations possibles sous certaines conditions.

L’intégration du stockage dans les mécanismes de marché

L’adaptation des règles de marché pour permettre une participation effective des capacités de stockage constitue un chantier réglementaire majeur. Le mécanisme de capacité, qui vise à garantir la sécurité d’approvisionnement électrique, a ainsi été réformé pour mieux valoriser la flexibilité apportée par le stockage.

Les règles encadrant la participation aux services système (réglage de la fréquence et de la tension) et aux mécanismes d’ajustement ont également évolué pour faciliter l’intégration des solutions de stockage. La mise en place de nouveaux produits, comme les réserves rapides et complémentaires, offre de nouvelles opportunités de valorisation pour ces actifs.

La question de l’agrégation des capacités de stockage, notamment dans le cadre des communautés énergétiques citoyennes, fait l’objet d’une attention particulière. Le cadre réglementaire doit permettre l’émergence de nouveaux modèles d’affaires tout en garantissant la sécurité et la stabilité du système électrique.

Les défis de la sécurité et de l’environnement

La réglementation des infrastructures de stockage d’énergie doit également prendre en compte les enjeux de sécurité et d’impact environnemental. Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) constituent le cadre de référence pour l’encadrement des risques liés aux batteries de grande capacité.

La rubrique 2925 de la nomenclature ICPE, créée en 2018 et modifiée en 2021, définit les seuils et les régimes applicables aux ateliers de charge d’accumulateurs. Les exigences en matière de prévention des incendies, de gestion des déchets et de recyclage des batteries font l’objet d’une attention croissante de la part des autorités.

La question de l’analyse du cycle de vie des infrastructures de stockage et de leur empreinte carbone globale s’impose progressivement dans le débat réglementaire. Des réflexions sont en cours pour intégrer ces critères dans les mécanismes de soutien public au développement du stockage.

Perspectives et enjeux futurs

L’évolution rapide des technologies de stockage et l’émergence de nouveaux usages (véhicules électriques, hydrogène, etc.) appellent une adaptation continue du cadre réglementaire. La flexibilité et la neutralité technologique des règles seront essentielles pour accompagner l’innovation sans créer de distorsions de marché.

L’harmonisation des réglementations à l’échelle européenne et internationale constituera un enjeu majeur pour faciliter le développement de projets transfrontaliers et l’émergence d’une filière industrielle compétitive. La mise en place de standards communs, notamment en matière de sécurité et d’interopérabilité, sera déterminante.

Enfin, la question de la cybersécurité des infrastructures de stockage, de plus en plus connectées et pilotables à distance, devra faire l’objet d’une attention accrue. Le renforcement des exigences en matière de protection des données et de résilience face aux cyberattaques s’imposera comme un axe majeur de la réglementation future.

La réglementation des infrastructures de stockage d’énergie se trouve au cœur des enjeux de la transition énergétique. Entre impératifs de sécurité, objectifs environnementaux et nécessité d’innovation, le cadre juridique doit trouver un équilibre subtil pour accompagner le développement d’un secteur stratégique. Les évolutions réglementaires à venir seront déterminantes pour façonner le paysage énergétique de demain et relever le défi du changement climatique.